Fabian Sutter ; Clément Boures
Hunger games est un film de science-fiction américain, réalisé par Gary Ross en 2012. Dans ce film nous suivons Katniss Everdeen, qui participe à un jeu télévisé : Les Hunger Games, organisé à Panem par le Capitole, gouvernement autoritaire dirigé par le président Snow. Chacun des douze districts de la nation envoie une fille et un garçon se battre dans un combat à mort dont un seul sortira vivant. Le but de ce jeu est de démontrer la force du capitole et plonger le peuple dans la terreur.
Le film permet de dénoncer le fonctionnement de la société du spectacle. S’il reprend certains codes des récits dystopiques, en présentant une société hiérarchisée sous le contrôle total d’un pouvoir manipulateur, le film réussit à embarquer le spectateur dans son trouble : nous aussi, comme spectateurs, ressentons le plaisir et l’excitation des jeux. L’héroïne elle-même est contrainte à ce jeu de dupes, obligée de surjouer les actions afin de participer au spectacle et s’attirer les faveurs de sponsors qui l’aideront à survivre.
Le film se passe à Panem, qui était précédemment l’Amérique du nord. Panem est séparé en treize districts dirigé par un gouvernement autoritaire situé au Capitole. Le président Snow a pris le pouvoir suite à une insurrection qui a dégénéré en guerre civile et détruit le district 13. Par la suite, le gouvernement a mis en place les Hunger Games pour faire peur au peuple.
L’univers évoque les inégalités sociales, puisque le district 1 profite de toutes les richesses alors que le district 12 vit dans la misère. De plus, dans ce film, la politique possède le contrôle total sur la population, étant donné qu’elle est maître de la science, qui elle même contrôle la technique. Les scientifiques qui se trouvent derrière les consoles permettant de contrôler ce qui se passe dans l’arène reçoivent les ordres d’un représentant politique du Président, le sénateur Seneca Crane, appuyant de cet effet la politique malsaine du Président Snow.
Sur l’illustration, tirée du film, nous pouvons voir le président Snow de dos et les “tributs”, c’est-à-dire les jeunes gens envoyés par les districts, en bas. La scénographie reproduit les jeux du cirque et illustre le pouvoir absolu du président. Situé tout en haut, il domine la foule et les tributs qui sont encore plus bas. Tout le monde le regarde et l’acclame. Les tributs ne sont là que pour amuser la galerie lors de la parade présentant les participants au jeu.
La structure du réseau des personnages est particulièrement remarquable.Elle met en scène un duo de héros : Katniss et Peeta, représentants du district 12 lors des Hunger games. Nous distinguons très clairement les autres participants qui forment une sorte de boule de personnages et représentent ainsi l’arène. Tous possèdent des attributs techniques, sauf Cato qui se démarque en étant le chef de son groupe dans l’arène. Nous retrouvons encore une référence à la Rome Antique : Marcus Porcius Cato était un Empereur Romaim et ancien soldat né en -234 avant Jésus-Christ. Il s’avère que c’est un sérieux adversaire dans l’arène pour Katniss et Peeta puisqu’il fera partie du dernier trio avec ces derniers, montrant encore une fois la puissance de la politique dans ce film.
Dans ce film, la répartition de la technique et de la politique est très marquée. La technique se trouve dans l’arène mais aussi dans les districts, dont le rôle est d’approvisionner le Capitole, le centre du pouvoir politique. Plus frappant encore, la répartition pauvre/riche correspond exactement à la répartition technique/politique. Le milieu pauvre (en noir) est associé à la technique (losange) tandis que le milieu riche (en blanc) est associé à la politique (carré).
Cette structure persiste tout au long du film. L’ensemble des districts est maintenu sous le joug du Capitole, des gens riches qui assoient leur pouvoir à travers les Hunger games. La technique est donc asservie à la politique sous la double figure des techniques de production dans les districts, mais aussi du luxe dans la capitale. L’arène occupe une position médiane entre ces deux régimes techniques. D’un côté, elle met en scène des techniques primitives, liées à la survie et à l’affrontement à la vie à la mort dans un environnement hostile. Ces techniques rappellent les techniques utiles des districts, où Katniss a appris les compétences techniques, comme la chasse à l’arc, qui lui sont nécessaires dans l’arène. Mais d’un autre côté, ces techniques ne servent plus qu’au divertissement et s’hybrident avec le domaine du luxe, sous la forme notamment des costumes réalisés pour les jeux.
Mais on pourrait même aller encore plus loin, puisque la technique du film lui-même participe des jeux ! Le film repose en effet sur une mise en abyme : il montre un spectacle audiovisuel en train de se fabriquer sous nos yeux. Il place son spectateur dans la position des spectateurs des jeux que le film montre sous un jour particulièrement défavorable, comme des êtres frivoles et indifférents à la misère qui les entoure. Ainsi, le spectateur se prend au jeu et est heureux de voir les Hungers games. C’est d’ailleurs ce qui est écrit sur l’affiche du film: “Nous serons tous spectateurs”, comme si nous étions tous impuissants face à la richesse et la politique du Capitole. La critique d’une société dévoyée ne passe pas seulement par le discours explicite du film, mais par les passions qu’il soulève chez le spectateur… tout en les condamnant au plan du récit. Le malaise est maximal !
La fin du film semble offrir une sortie dans ce jeu de dupes, où les résistances ne font que servir la domination, puisque Katniss et Peeta sortent de leur rôle technique pour s’opposer aux règles des Hunger games. En conséquence, ils prennent une dimension politique en refusant le cadre qui leur est imposé et en usant d’un stratagème pour se faire reconnaître tous deux comme vainqueurs. Pour la première fois, le Capitole est obligé de céder. Cette fin du premier épisode annonce les ambitions plus politiques des autres films de la série et le nouveau rôle de Katniss.
De prime abord, le scénario de Hunger Games pourrait sembler assez couru d’avance. A la manière de The 100 de Kass Morgan ou le Labyrinthe réalisé par Wess Ball, il met en scène un groupe d’adolescents luttant pour leur survie, dans un univers dystopique.
Dans ces œuvres, nous retrouvons une structure similaire marquée par la présence de couples héroïques au sein d’un groupe nombreux d’autres personnages adolescents.
L’isolement du groupe adolescent multiplie les interactions et les sépare du reste de l’univers, comme on le voit sur le réseau de Hunger Games. Dans Hunger games, les personnages se trouvent dans une arène, dans The 100 sur une autre planète et dans Le labyrinthe dans un labyrinthe (pour le premier volume). De ce fait, il y aura alors un groupe de personnages vivants entre eux et ayant des interactions très faibles avec des personnages extérieurs à leur milieu. Nous avons ici une sorte de “signature” de ce type de récit au niveau de la visualisation du réseaux des personnages.
Cependant, le propos de Hunger Games est original, moins centré sur la construction d’une micro-société à même de subvenir à ses besoins. La division des fonctions est beaucoup plus nette dans Hunger Games entre l’univers uniformément technique de l’arène, à l’exception de Cato, auquel s’oppose la politique du Capitole.
Hunger Games présente les caractères d’une fiction dystopique, avec une science enrôlée pour servir la toute-puissance politique, via la technique. Le premier épisode nous montre l’émergence d’une héroïne, venue de l’univers technique, qui va chambouler l’équilibre du monde. Pour autant, le scénario nous questionne d’ores et déjà sur la figure même du héros, qui n’existe dans les jeux que pour servir le pouvoir et dont la puissance d’agir paraît limitée. Le reste de la série promet néanmoins de bouleverser l’équilibre des forces, en faisant émerger d’autres figures politiques opposées à la dystopie du Capitole.