WALL-E : La technologie prend vie

Gabriel Rouvet, Matteo Tardif

N’avez-vous jamais rêvé d’avoir un robot pour ami? Le film d’animation WALL-E concrétise ce rêve pour vous. Au-delà de son message écologique de façade, l’intérêt de ce film est de voir la technologie prendre vie, s’émerveiller à voir des robots tous plus attachants les uns que les autres s’animer et satisfaire ainsi ses rêves d’enfant.

Même si WALL-E n’est en réalité pas un film qui cherche réellement à se faire questionner le spectateur, la structure de l’univers du film n’en est pas moins intéressante à analyser. En effet, comme dans beaucoup d’œuvres de science-fiction, on observe une dualité entre deux mondes, le haut et le bas. On retrouve notamment cette structure chez Alita, Elysium, Oblivion ou encore Altered Carbon.

Une des originalités du film est de faire porter des valeurs humanistes, non par une figure humaine, mais par le robot Wall-E. Il endosse le rôle «d’humain» avec toutes les valeurs de partage, de souci des autres, de fraternité…

Haut / bas

Ainsi, dans WALL-E nous avons deux mondes qui s’opposent. D’un côté, nous avons le monde d’en bas, avec une Terre ravagée, polluée et inhabitable. De l’autre côté, nous avons le monde d’en haut avec l’Axiom, fleuron de la flotte BnL, vaisseau de croisière de luxe transformé en arche de Noé afin de sauver l’humanité. Cependant, le caractère utopique/dystopique de chaque monde n’est pas défini clairement. En effet, la Terre est montrée comme un lieu sans vie et pollué à l’extrême. On peut voir des tours de déchets gigantesques, dépassant les gratte-ciels de l’ancien monde. On y voit aussi une pollution atmosphérique incarnée par un brouillard marron permanent. La seule pollution absente est la pollution sonore, traduisant l’absence d’activité sur la planète. Cependant, la dystopie s’arrête là: en effet, de par la mise en scène, les personnages et la musique, on se retrouve avec un monde post-apocalyptique comique plutôt que dramatique, à la manière de Fallout. La musique un peu rétro, joyeuse et passant au travers d’une enceinte usée nous rapproche beaucoup de l’ambiance de la licence phare de Bethesda. De même, l’amitié entre le cafard et WALL-E ainsi que leurs échanges muets ajoutent une touche de légèreté. Enfin, ce monde d’en bas est empli de valeurs humaines, contrairement au monde d’en haut. WALL-E symbolise l’amour, la tolérance, la fraternité et le partage, des valeurs qui sont totalement absentes à bord de l’Axiom.

De plus, on trouve une opposition entre le monde du haut, propre et lisse, et le monde du bas, sale et sujet aux ravages du temps. Cette opposition est redoublée par les ambassadeurs de ces deux mondes: les personnages de EVE sur l’Axiom et de WALL-E sur terre. Les deux personnages sont les seuls à voyager d’un monde à l’autre. Ils mettent en avant les défauts de chaque monde. WALL-E est un robot éboueur, sale et contaminé par les déchets de la Terre, qui contraste vraiment avec la propreté irréprochable de l’Axiom. De plus, WALL-E est un robot que l’on pourrait qualifier de low-tech, réparé avec des pièces détachées et faisant appel à d’anciennes technologies, contrairement à l’Axiom qui est un monde rempli de high-tech et de technologies de pointe. Symétriquement, EVE n’est clairement pas à sa place sur Terre, sa blancheur immaculée contraste avec la saleté de l’environnement.

La dystopie de l'Axiom

Le monde haut de WALL-E est représenté par l’Axiom où la vie semble utopique en première apparence. Ce monde est profondément anti-naturel. La plus grande technophilie règne. Tout est blanc et lisse, l’humain est au centre de toutes les préoccupations de bien être, tous les robots sont au service des humains, les préservant ainsi des tâches ingrates et pénibles. Nous sommes plongés dans un monde où les progrès en termes de robotique sont impressionnants.

Cependant, en y regardant de plus près, on se rend compte que ce monde se rapproche plus d’une dystopie que d’une utopie. Ainsi, une analogie au Meilleur des mondes de Aldous Huxley peut être faite en comparant le caractère évidemment dystopique de l’œuvre à WALL-E. Tout d’abord, l’absence de relations humaines est commune aux deux œuvres. Dans Le Meilleur des mondes, le tabou sur la reproduction rend les relations entre humains très éphémères tandis que dans WALL-E, les gens vivent uniquement au travers d’un monde virtuel et immatériel, coupant toutes relations authentiques entre les humains. De plus, ce monde virtuel peut aussi être comparé au Soma, la drogue prise par les habitants du Meilleur des mondes. Dans les deux cas, les consommateurs sont enfermés dans un monde artificiel et complètement détaché de la réalité. Aussi, dans WALL-E, la surconsommation du monde d’en haut est très mise en avant. Tout est jetable et remplaçable. C’est d’ailleurs cette surconsommation qui a causé la destruction de la Terre. Enfin, dans un court passage du film, nous pouvons voir comment l’éducation des plus jeunes est prise en charge à bord du vaisseau. Celle-ci se rapproche plus d’une propagande dictatoriale que d’une éducation saine et épanouissante imaginable dans un monde utopique.

Les valeurs de la technique

La critique d’une humanité complètement sous contrôle de la technique pourrait nous faire penser à Ellul. Pour autant, le film ne dénigre pas la technique en tant que telle. Au contraire. Si les valeurs qui font l’humanité ne sont pas représentées sur l’Axiom, il faut, pour les retrouver, nous tourner du côté du robot WALL-E. WALL-E est l’incarnation de la singularité par opposition au conformisme. A bord de l’Axiom, tout le monde est habillé de la même manière, consomme la même nourriture et a la même morphologie. En opposition, WALL-E est unique, il est le seul survivant de la flotte de robots nettoyeurs restés sur Terre. Cette solitude lui a permis de développer une personnalité propre et une individualité.

De plus, WALL-E est l’incarnation de la libre pensée. Il passe au-delà des protocoles pour prouver que la vie est possible sur Terre. En effet, un protocole laissé à l’attention de AUTO, l’autopilote du vaisseau et principal antagoniste du film, plusieurs siècles auparavant, explique que la vie est devenue impossible sur Terre, interdisant tout retour dans un court délai. Cependant, par manque de libre arbitre, AUTO en déduit que la vie est tout bonnement impossible sur Terre et fait tout pour empêcher le retour de l’AXIOM. L’opposition passe ici entre deux formes de techniques, la singularité de Wall-E contre l’obsession du contrôle d’AUTO, plutôt qu’entre technique et nature.

De plus, du côté du groupe porté par WALL-E, nous avons une grande diversité, aussi bien dans les fonctions des personnages que dans leur caractère vivant/robots. Nous pouvons facilement le voir grâce au graphe suivant, en effet, le noyau WALL-E, EVE, plante et commandant est très diversifié avec des personnages politiques, techniques et scientifiques et aussi une alliance entre robots, humains et vivants. A cette diversité s’oppose l’uniformisation du groupe d’antagonistes avec AUTO, le chef de sécurité et la sécurité qui sont tous des robots.

De plus, nous pouvons remarquer le côté «magicien» de WALL-E: en effet, tout ce qu’il approche et touche tend à s’humaniser et s’individualiser! C’est le cas bien évidemment de EVE qui va petit à petit s’attacher à WALL-E. Mais il y a aussi le commandant de bord, blasé, se levant à midi alors qu’il est censé être la personne la plus importante du vaisseau, qui développe une curiosité qui lui était jusqu’ici étrangère et se prend de passion pour la Terre et la vie d’avant. On peut encore citer le cas de John et Marie, deux humains lambda qui ne vivaient qu’au travers du monde virtuel et vont tomber amoureux l’un de l’autre et apprécier la vie réelle grâce à WALL-E.

Au final, comment comprendre le message de Wall-E ? Superficiellement, le film peut se lire comme une « fable écologique », critiquant la surconsommation et une humanité aliénée à la technique. Mais il est encore plus une célébration de la technique, dès lors que celle-ci fait l’objet d’un soin qui l’individualise. A la manière de Wall-E qui collecte des objets de rebut et leur donne de l’importance, le film de Pixar vise à donner une âme à la matière numérique du robot : que celui-ci ne soit pas seulement un modèle 3D animé, mais un individu auquel on s’attache. L’aspect esthétique porte en soi un message : les animations magnifiques plongent le spectateur comme dans un rêve où les robots sont vivants.